D'un droit d'être étranger ?

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Dans le Projet pour la paix perpétuelle, Emmanuel Kant (1724-1804) érige le droit des étrangers en principe fondamental de ce qu'il nomme droit cosmopolitique, dépassant la simple philanthropie pour en faire une exigence juridique. Il s'agit d'un droit d'être étranger dans n'importe quel pays : « Il s’agit ici non de philanthropie, mais de droit ; aussi bien l’hospitalité (hospitalitas) signifie le droit pour l’étranger, à son arrivée sur le territoire d’un autre, de ne pas être traité par lui en ennemi. On peut le renvoyer, si cela n’implique pas sa perte, mais aussi longtemps qu’il se tient paisiblement à sa place, on ne peut pas l’aborder en ennemi. »

Kant distingue dès lors le « droit de visite » du « droit de résidence » : « L’étranger ne peut pas prétendre à un droit de résidence [...] mais à un droit de visite : ce droit, dû à tous les hommes, est celui de se proposer à la société, en vertu du droit de la commune possession de la surface de la terre, sur laquelle, puisqu’elle est sphérique, ils ne peuvent se disperser à l’infini, mais doivent finalement se supporter les uns à côté des autres et dont personne à l’origine n’a plus qu’un autre le droit d’occuper tel endroit. »

Ce droit d’hospitalité universelle, limité mais inaliénable, vise à garantir la coexistence pacifique et la dignité de tout être humain, indépendamment de sa nationalité. Kant précise en effet : « Hospitalité signifie donc uniquement le droit qu’a chaque étranger de ne pas être traité en ennemi dans le pays où il arrive [...]. On n’ose pas agir hostilement contre lui, tant qu’il n’offense personne. »

Ces principes trouvent désormais un écho dans le droit international contemporain : la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés ou la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 reprennent l’idée selon laquelle l’étranger ne doit pas être traité en ennemi, mais qu'il doit bénéficier de droits fondamentaux, prolongeant ainsi l’exigence kantienne d’une hospitalité universelle fondée sur le droit.

On lit notamment, dans la Déclaration de 1948 :

Article 13
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Article 14
1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays.

Article 15
1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité.

Et dans la Convention de Genève :

Article 1. Est réfugié toute personne craignant « avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Article 33. Aucun État contractant n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée.

Article 26. Tout État contractant accordera aux réfugiés se trouvant régulièrement sur son territoire le droit d’y choisir leur lieu de résidence et d’y circuler librement.

Question

  • Montrez comment les articles reproduits ci-dessus rendent compte de cette exigence minimale de droits pour un étranger.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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